Joe Black/Marseille 


Joe Black, c'est la liberté des formes, l'élégance des compositions, le raffinement des assemblages des étoffes et de la balance chromatique. C'est aussi l'évocation, voire la citation, sensible et respectueuse mais toujours à distance, parfois amusée , parfois ironique, de tout ce qui a universellement structuré et déterminé cette tendance du prêt-à-porter masculin de ces quatre dernières décennies. C'est en tout cas ce qui m'a frappé comme une évidence dès ma première rencontre avec la collection. Et c'est ce qui m'a guidé pour définir l'identité-boutique de la marque Joe Black. Ainsi, il n'y a pas un motif unique, récurrent et décliné, déroulé depuis la devanture jusqu'au salon d'essayage, en passant par les linéaires de rangement ou les tables de dépliage. Tous les éléments du marchandisage courant sont évidemment présents, cohérents et efficaces, mais la cohésion globale naît de l'éclectisme assumé et réfléchi qui en a commandé la création. Cet éclectisme se manifeste dans le recours à une grande variété de matériaux qui, sans affectation, sans sophistication, mais avec le plus grand soin, sont employés au gré des nécessités fonctionnelles intransigeantes comme celles des fantaisies narratives débridées.

Les compétences artisanales classiques qui font la part belle à l'intervention manuelle et les usinages les plus complexes issus des dernières technologies numériques sont ici conviés dans une farandole des savoir-faire opiniâtre et décomplexée. Ainsi, si le motif de cintres aléatoirement entremêles des grilles de la devanture découpées au laser peut évoquer la joyeuse confusion des bureaux de style surmenés, il n'en est pas moins constitutif d'un élément identitaire et fonctionnel majeur et participe pleinement de la protection du site. Les vêtements exposés sont pendus ou posés sur des systèmes de métal brut simplement verni, mobiles, modulaires et qui portent aussi bien des crochets que des barres, des cintres ou des tablettes. Le stock de réserve est lui aussi dans le magasin, à la vue car l'espace commercial ne se gaspille pas en back-office délaissé, mais il est rangé dans des armoires en bois, simplement protégées par du grillage de poulailler, utilisé ici dans ce qu'il a de plus noble: sa légèreté et sa transparence. Les tables de présentation à plat sont toutes différentes, et font appel à des techniques et des matériaux divers et variés. Le comptoir-caisse obéit au même principe.

J'ai voulu également donner à cet univers une personnalité sensuelle et olfactive, sans avoir recours à des parfums vaporisés ou diffusés mais grâce à un élément architectural. Il y a donc, au milieu de l'espace commercial, une paroi couverte de tavaillons de cèdre brut, vierge de tout aménagement, lasure ou vernis et qui incite à la contemplation attentive, à la caresse respectueuse, à l'inhalation autorisée. Le « code-couleur » principal, s'il n'est pas dogmatique, fait la part belle au bleu, qu'il soit de nuit pour les éléments aériens et identitaires ou de ciel pour les parois et les meubles de rangement. Et toujours près des origines méditerranéennes de la marque, mais aussi à distance, même respectueuse, de ses manifestations les plus communes et les plus galvaudées.